Flocons.
Isleen est comme une enfant observant la neige tomber sur l'extérieur. Confortablement calée dans son lit, plateau sur les genoux, elle ne pouvait rêver mieux. Aujourd'hui, c'était jour de congé. Elle avait rendu ses articles à temps, tout allait bien. Demain, elle irait à Kenmare rendre visite à ses parents, avec sa soeur et son frère, pour le repas dominical. En priant pour que ce soit son père qui fasse à manger.
En attendant, elle était bien décidée à ne pas bouger d'un iota. Son lit était confortable, sa couverture divinement chaude. Elle s'était préparé un chocolat chaud, avec quelques petits pains d'épices, prête à tout dévorer, livre à la main.
Nomnomnom.
Et elle regarde les flocons qui tombent, dehors, avant de tremper ses lèvres dans le chocolat chaud, fermant ses yeux noisettes avec un plaisir non dissimulé. Elle en ronronnerait presque, de cette journée parfaite. Quel pied n'empêche... Du moins, jusqu'à ce que quelqu'un ne fasse brusquement irruption dans sa chambre. Isleen rouvre les yeux et, sans se cacher, examine du regard le jeune homme à moitié nu qui vient de faire son entrée. Hm. La jeune fille penche la tête sur le côté, remarque les tablettes de chocolat, devine le popotin de rêve. Un sportif. Son boxer était absolument ridicule, par contre, avec ses petits sapins de Noël imprimés, qui bougeaient allègrement pour changer de place sur le tissu. Un sorcier. Hm.
Pas perturbée le moins du monde – contrairement au mec qui fronce les sourcils, semblant ne pas comprendre quelque chose – la journaliste attrape un petit pain d'épices et l'enfourne entre ses lèvres. L'homme, interdit, pose les yeux sur la poitrine de la jeune femme, soulignée d'un écrin noir, et fronce un peu plus les sourcils.
« … Tu as changé de soutien-gorge... ? Il te fait une plus belle poitrine... » gaffe-t-il sans se rendre compte que non, elle n'avait pas changé de soutien-gorge, non elle n'avait pas gagné en seins, non elle n'avait pas préparé un petit déjeuner en un temps record le temps qu'il aille pisser.
Tu t'es trompé de chambre, espèce d'abruti.
Mais Isleen, calme et d'une indifférence remarquable, ne lui dit rien. C'est une autre personne qui fait irruption, juste derrière le mâle. D'une ressemblance étonnante avec la journaliste, bien que plus petite, plus menue, plus mince. La colocataire, visiblement la personne avec qui monsieur a confondu notre protagoniste. Colocataire qui se trouve aussi être sa jeune soeur, Annabel.
Voilà voilà... Encore un qui s'était fait avoir en se trompant de porte.
« T'as un problème avec mes seins, connard ?! » s'écrit celle-ci dans toute sa vulgarité. Et là, le bonhomme comprend son erreur. Il devient rouge pivoine, tout gêné, tout con, sincèrement, et se tourne vers la cadette... Pour sortir une énormité plus grosse que lui.
« … Tu m'avais pas dit que tu avais une jumelle ! » proteste-t-il. Et il n'en faut guère plus pour qu'il se fasse mettre dehors, à moitié nu, sous une nuée d'insultes toutes les plus fleuries les unes que les autres. Et, toujours silencieuse, Isleen laisse un sourire amusé s'étirer sur ses lèvres. Elle referme le livre ouvert précédemment, avale son chocolat chaud, s'extirpe de son lit pour enfiler quelques vêtements chauds, notamment un pull et un jean, avant de sortir de la pièce pour ramener son plateau à la cuisine. Et elle croise Annabel, toujours là, en train de grogner tout son soûl, de grommeler dans un vocabulaire pour le moins inadapté.
« Surveille ton langage Anna... Et arrête de grogner, on dirait Papa.
- Grmbl. »
Bah tiens.
Isleen hausse les épaules, pose ses affaires, et d'un coup de baguette, laisse la vaisselle se faire toute seule. Elle propose ensuite à sa jeune soeur de venir faire un tour sous la neige, pour se changer les idées. Mais cette dernière refuse, arguant qu'elle avait autre chose à faire que de batifoler ans la neige. Rabat-joie. Elle pourrait envoyer un patronus à Eoghan, tiens, ça le botterait bien lui... Moui. Non. Toute seule, c'était cool aussi. Alors elle va prendre une douche, souligne ses lèvres de rouge, entoure son cou d'une écharpe blanche, emmitouffle son corps dans un long manteau rouge, enfile des bottes fourrées.
Prête à aller affronter le froid.
Et elle transplane depuis l'entrée, dans un pop retentissant.
Ses pieds atterrissent dans la neige, peu épaisse, qui commence à tapisser le sol. Les joies du climat océanique, empêchant la neige, drue, de venir très souvent sur les îles. Peut-être cette année serait-elle une exception après tout... Et ses cheveux noirs accrochent les flocons de neige, alors qu'elle avance tranquillement au hasard des rues, savourant le calme de l'hiver.
Midi arrive, elle s'installe dans un restaurant quelconque, mange copieusement. Elle échange quelques regards avec le serveur, qui lui demande son numéro de téléphone - merci Maman de l'avoir initiée au monde moldu - mais la demoiselle décline gentiment. Puis elle retourne se promener, flâne dans Londres, observe les enfants qui s'amusent gentiment dans la neige, les parents qui les disputent...
Jusqu'à ce moment où ses yeux sont attirés par une chevelure rousse tranchant dans la neige. Une petite créature toute fragile, et surtout : isolée. Isleen fronce les sourcils, guettant l'enfant depuis la grille qui l'en séparait ; une gamine perdue ? Elle n'avait pas entendu de parents la chercher, et le cimetière était désert... Le cimetère ?! Voici un lieu bien incongru pour promener une enfant...
L'Irlandaise ne se pose pas plus de question que cela et pousse la grille marquant l'entrée, pour entrer dans le lieu de recueillement et de deuil. Mais immédiatement, la petite chose s'échappe et...
…
Mais cette gamine était inconsciente ou quoi ? Ses parents ne lui avaient-ils jamais dit qu'aller seule dans un cimetière était une mauvaise idée ? Et avec tous ces moldus capables de faire des choses plus ou moins avouables ici, du deal, de la prostitution... Rien qu'une enfant ne devrait voir. Un adulte non plus me direz-vous...
Isleen suit les traces des petits pieds dans la neige, jusqu'à l'église qui se dresse au centre du cimetière, comme dans toutes les villes anglo-saxonnes, s'approche de la crypte dont elle pousse la porte. Sans crainte, avec la baguette magique dépassant légèrement de la poche de son manteau, la journaliste entre, laissant les talons peu élevés de ses bottes claquer sur le sol.
Et ses yeux accrochent la petite créature.
« Eh bien, tu es toute seule? » déclare-t-elle avec son accent si particulier. « Tu vas te perdre ici... Où sont tes parents? »